•  

    La fin d'année pour un professeur est assez compliquée : il faut gérer les élèves qui ont déjà un pied en vacances ( bon pour certains, ils y sont depuis longtemps, voire n'en sont jamais sortis), finir les dernières corrections ( cet article est une aubaine pour m'extirper de ce tas de bêêêtises, c'est peut-être pour ça qu'il est aussi long !), faire acte de présence aux conseils de classe ( qui ne servent plus à rien puisque la politique de la maison mère est de ne plus faire redoubler...). Bref, que du bonheur ! Du coup, j'ai réquisitionné Mictor pour oublier la grisaille quotidienne ( moui,le temps s'est aussi mis au gris) le temps d'une balade dans un des plus charmants villages de Paris, peut-être le seul qui ait gardé cette âme de village malgré la horde de touristes honnis.

     

     

    Vous avez bien sûr deviné le cap de la journée...Montmartre. Mictor adore ce quartier, le connaît bien mais j'ai bien envie de le surprendre et de lui faire découvrir ( j'en profite pour découvrir aussi) un montmartre plus secret, plus confidentiel, plus silencieux aussi. A lui de me dire si j'ai réussi mon pari !

     

     

     

    Montmartre, c'est tout d'abord une butte ( bon là, je vous l'accorde, je ne vous apprends rien). A l'origine boisée et parcourue de sources, elle apparaissait bénie des dieux. Les gaulois et les romains y ont donc construit des temples dédiés à Mars et autres Mercure. Mais c'est le martyre de Saint Denis qui a rendu célèbre le lieu. D'où une abbaye, riche et puissante, et un bourg qui gravite autour. Le bourg est scindé en deux : en haut, difficile d'accès, on trouve les vignerons, meuniers et laboureurs. En bas, près du mur des fermiers généraux, place aux plaisirs dans les guinguettes.

     

    Mais la grande richesse de Montmartre, c'est son sol : un plâtre largement exploité et utilisé dans Paris. Un dicton affirme d'ailleurs qu' « il y a plus de Montmartre dans Paris que de Paris dans Montmartre». Son ambiance aussi : suite aux travaux du baron Haussman, le quartier latin, fief des artistes, est devenu trop cher. Cette joyeuse bande d'originaux a donc émigré un peu plus loin, dans ce quartier assez éloigné de Paris pour passer au travers des bouleversements urbains. D'ailleurs, aujourd'hui, ce dédale si particulier est officiellement protégé.

     

     

     

    Pardonnez cette longue introduction, mais j'aime bien l'histoire de ce quartier, histoire qu'on connaît assez peu puisque les touristes visitent le Sacré-coeur, la place du tertre et basta.

     

     

     

    Rendez-vous est pris à 14h, arrêt Blanche ( heure tardive, due à la fin d'année d'un prof). Pourquoi blanche et pas une autre couleur ? Tout simplement parce que les ânes passaient par là pour transporter le plâtre, recouvrant les alentours d'une fine couche de blanc.

    Pas de quoi effrayer le moulin rouge, rendant des couleurs au quartier avec son french cancan. Pour continuer dans le champ lexical coloré (l'imminence du brevet et du bac me rappelle quelques souvenirs:), direction l'impasse Marie-Blanche. Avant de rentrer dans les détails, une maison attire notre regard :

     

     

    Rien à dire là dessus, elle est juste jolie.

     

    Un peu plus loin, une étrange batisse nous attend.

    En 1835, le comte Charles de L'Escalopier fit construire un castel entouré de serres. A l'abandon après sa mort, la maison fut rasée mais des ornements architecturaux furent récupérés par un voisin antiquaire. Les fenêtres à meneaux, la tour carrée, les motifs gothiques nous replongent dans un moyen-âge idéalisé. D'ailleurs, ici, les rues pavées grimpent ( ou descendent selon le point de vue).

    On arrive rue de Ravignan. Dévalant vers Paris, elle fut pendant longtemps la seule rue du village. Il y avait tellement de trafic qu'en 1646, on décida de la paver. En chemin vers une autre curiosité, le charme opère :

     

    Mon guide m'avertit, la prochaine épicerie est mitraillée par les touristes.

    En effet, l'épicerie Collignon est une image phare du film Amélie Poulain. On a eu de la chance, les touristes n'étaient pas encore arrivés. Un passage en escalier plus tard, un petit jardin nous appelle...

    Fermé hier, j'espère pouvoir m'y reposer un autre jour. En bas, après avoir traversé un groupe d'américains, on tombe sur la première maison particulière de cette promenade ( je dis bien la première, c'était un festival aujourd'hui).

    C'est la maison bancale de Paris. La photo ne rend pas l'aspect bizarroïde : les planchers ne sont pas parallèles au sol, les fenêtres ne sont pas droites, bref, je n'aimerais pas habiter dans cette maison, j'aurais peur qu'elle tombe ! Un peu plus loin, on me parle d'une place typique de Paris : la fontaine Wallace, la marquise Guimard, on y retrouve même les tags et les crottes de chien. Il y avait ici l'ancienne mairie : Clémenceau a occupé les lieux et Verlaine s'y est marié. Le trésor des abbesses aurait même été enterré sous un banc !

     

     

     

    L'histoire chrétienne s'est en partie écrite ici : tous les vendredis, de 15h à 18h, on peut visiter la crypte du martyrium.

    Premier cimetière des martyrs chrétiens, on y ajouta une chapelle qui fut longtemps un lieu de pèlerinage. Le 15 Août 1534, Ignace de Loyola et ses compagnons y fondèrent la Compagnie de Jésus. Mais la Révolution a rasé le sanctuaire et a si bien brouillé les pistes qu'on a jamais retrouvé de vestiges.

     

     

     

    On descend maintenant la rue des martyrs ( certains arrivaient pieds nus!!!) pour arriver sur un gros boulevard. Parmi les néons et boutiques attrape-touristes, une façade détonne : des colombages et une statuette toute ronde.

    Un peu plus loin, on nous rappelle qu'à une époque, le village était indépendant et qu'il a été rattaché à paris.

    Encore quelques pas et la façade défraichie de l'Elysée-Montmartre apparaît.

     

     

    Le guide est fou, après nous avoir fait descendre, il nous fait remonter : parmi les odeurs de poulet rôti et de glace, on délaisse le Sacré-Coeur pour se diriger vers la halle Saint-Pierre. Elle nous rappelle étrangement le marché de Saint Denis.

    Construite par un élève de Baltard, elle abritait le marché couvert quotidien de Montmartre. C'est maintenant le musée d'art naïf Max-Fourny.

     

     

     

    En longeant le square Louise Michel, on longe aussi les anciennes carrières.

    Une grotte rappelle qu'à une époque, la butte était un vaste gruyère. Le gypse extrait servait certes à fabriquer du plâtre, mais il était aussi utilisé pour la préparation de la poudre de riz. En parlant de dames, les champs alentours offraient parfois un spectacle assez grivois ! Avant tout ça, bien avant, des roches de l'éocène ont délivré un sacré secret : un tronc de palmier pétrifié en silex et des ossements fossilisés ( pachyderme, marsupial et divers carnassiers).

     

    Bon allez, je ne résiste pas, la vue est magnifique, en haut comme en bas :

     

    Juste à côté, l'église Saint Pierre, véritable miraculée : dernier vestige de l'abbaye bénédictine, elle servait à la fois aux abbesses et aux paroissiens, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle a été épargnée par les révolutionnaires. Un lourd portail ferme l'accès au petit cimetière attenant.

    L'endroit, malgré une kermesse, est assez sinistre.

     

    On est tout près de la place du tertre, impossible de prendre de photo tellement ça grouille de monde. Mais si aujourd'hui l'endroit paraît assez bohème, au 14ème siècle, il accueillait la potence du village. Et les artistes qui s'y sont refugiés entre 1890 et 1940 espéraient vite déguerpir vers des appartements chauffés et des repas réguliers.

     

     

    Une petite rue quasiment vide (?!) débouche pourtant sur la plus petite place de Paris. Et au n°1, il y a la maison la plus haute de la butte.

     

    Montmartre est aussi l'occasion de vous raconter des anecdotes rigolotes :

     

    La rue Norvins était la rue principale du village haut. Mais surtout elle s'appelait rue Traînée. Les historiens n'arrivent pas à choisir l'origine de ce nom : soit il est dû à l'alignement des maisons, soit il est dû au piège à loups ( on traînait de la viande jusqu'au piège pour y amener le loup).

     

    Aux n°22 et 22bis, la propriété a été une maison de santé. Parmi les patients, Jacques Arago ( frère du savant) qui a écrit un livre de 62 pages dont aucun mot ne comporte la lettre a, mais aussi une ancienne demoiselle d'honneur de Marie-Antoinette qui avait perdu la raison de n'avoir pu épouser Robespierre et enfin, Gérard de Nerval qui promenait un homard vivant en laisse !

     

    Revenons à des choses plus sérieuses, Napoléon ! Que vient-il faire ici ? Et bien, au n°10 place Jean-Baptiste Clément, on trouve ça :

    En effet, c'est à l'empereur qu'on doit la rue Lepic qui offrait enfin une route praticable vers Paris. En la descendant, le plus ancien moulin (1622) et le seul ayant conservé son mécanisme, le moulin de la galette.

    Il doit son nom à la femme du propriétaire qui faisait de succulentes...galettes !

     

    On descend encore, à la recherche d'un rocher dit «  de la sorcière » mais grosse déception, le passage sans nom est fermé ! La déception est telle, qu'on se perd un petit moment ( le temps de retrouver mon fameux sens de l'orientation).

    Mais ce léger contretemps nous a permis de trouver un petit bout de Londres, et pas n'importe lequel !

     

     

    Le temps de remonter l'avenue Junot ( pas d'assassin au n°21 pour la bonne raison qu'il n'y a pas de n°21), pour confirmer la culture de mictor : entre le passe muraille et l'âne lolo, je me balade avec une encyclopédie...

     

    Mais bon, je réussis quand même à l'étonner, notamment quand on se retrouve devant la fontaine où Saint Denis se serait reposé.

     

    En effet, l'endroit est charmant, ancien maquis, de nombreuses sources jaillissaient ici et à l'aube, les vapeurs d'eau formaient un épais brouillard.

    Cette atmosphère a inspiré le propriétaire qui y a construit un château dont il ne reste qu'une charmante dépendance.

     

     

    Au début du 17ème siècle, une vacherie était réputée pour son lait. Mais d'autres bêtes travaillaient dans les champs, les carrières ou les chemins. D'ailleurs, elles venaient le soir à l'abreuvoir : le nom et la forme de la rue rappellent des temps révolus.

     

    On remonte la rue, mais c'est un peu comme si on changeait d'époque ou de ville :

     

    Entre la maison rose qui a inspiré un tableau d'Utrilo et la plus vieille maison de Montmartre (aujourd'hui musée), la rue pavée et biscornue, on pensait être déjà bien gâté par le paysage.

     

     

    Pfff, c'était sans compter sur les vignes ou le jardin saint-Vincent, où on a laissé la nature faire son œuvre. Il y a là le Lapin Agile, dont je parlerais plus en détail dans un autre article.

     

    Pour finir en beauté, regardons d'un peu plus près les noms :

     

    Rue de la bonne : rien d'illégal, c'est une allusion à une source défunte.

     

    Rue du Chevalier-de-la-Barre :jeune homme torturé et décapité à 20 ans sous prétexte qu'il avait omis de se découvrir au passage d'un procession, qu'il avait chanté une chanson impie et qu'il possédait le Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire ( bon c'est vrai qu'il cumulait, mais on était en 1766 quand même!).

     

     

     

    Enfin, direction le métro, et là, deux option :

    le passage Cottin, juste impressionnant ou continuer sur la rue de l'infortuné chevalier, qui se termine sur de larges paliers dits »pas d'âne ». Devinez par où on est passé... ?

     

     

     

    Pin It

    4 commentaires
  •  

    Un quart de siècle!!!

    Je suis de retour... Et oui, Roland garros étant terminé ( pff encore Nadal qui a gagné, y a plus aucun suspense). J'ai failli craqué et écrire un article ( j'avais même réfléchi au titre à base de biiiiiiiiiiiiiiiip biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip) mais les cris perçants ( c'est limite pornographique des fois) et les balles amorties/liftées/coupées ont eu raison de ma motivation.

    Pas de photos particulières, Je délaisse Paris et pour cause, j'ai fêté mes 25 printemps ce week-end...Donc, direction Salon de Provence où biquet m'a gâtée.

    Oui j'avoue, j'ai raté la finale dame mais franchement, je me suis régalée. On est allé aux Baux de Provence, dans une ancienne carrière désafectée. Je vous rassure, on est resté très sages, la carrière a été transformée en "cathédrale de lumière". En fait, des vidéoprojecteurs projettent ( ah!ah!ah) des films. Le thème cette année, c'était Gauguin et Van Gogh. Sur un fond de musique classique, on a l'impression d'être dans un tableau. Sur tous les murs, les pilliers, le sol, des oeuvres ou des morceaux d'oeuvre, animés ou pas, c'est tout simplement époustouflant. Ca m'a fait très bizarre de reconnaître des oeuvres que j'ai vues à NYC ou Paris ici, en provence. Comme je n'ai pas amené mon fidèle appareil photo, il va falloir que vous y alliez pour voir cette merveille ( de toute manière, je suis pas sure du résultat de photos dans ces conditions).

    Suite à toute cette culture, biquet devait se reposer (il n'a pas l'habitude, mais l'installation des luminaires l'a passionné!). Du coup, direction Uzès pour l'usine Haribo. Hi!Hi!hi! Un musée du bonbon plus tard ( d'ailleurs, mes élèves vont surement se retrouver avec un devoir sur la transformation du sucre, tout ça m'a inspiré), on se retrouve dans la boutique. Alors bon, comment vous dire, on est resté raisonnable, mais quand même, on a chacun ses faiblesses...moi, c'est le floppy. Je résiste actuellement vaillamment à la boîte qui me nargue, histoire de me nourrir d'autres choses que de floppy. Le soir, petit restaurant en amoureux et ouverture de cadeau. D'ailleurs, je remercie face de bouc, formidable vecteur d'idée cadeaux ( maman, c'est quand que tu t'y mets?). Suite à un message très subtil ( aka "je veux ça"), et ben, j'ai eu le ça en question:

    Un quart de siècle!!!

    Ce formidable lecteur cd (et autres) fera l'objet de tout un article ( rien que de m'imaginer écouter un 33 tours, je rigole d'avance).

     En parlant de vieux trucs, la barrière des 25 ans m'a quand fait tout drôle. Ben oui, maintenant, je suis passée de l'autre côté, c'est à dire que je suis plus proche des 30 ans que des 20. Bon, j'ai encore le temps, mais c'était quand même l'occasion de réfléchir à des problèmes méta-physiques tels que :

     * Vaut-il mieux se réincarner en balle de tennis ou en ballon de rugby?

     *Mais pourquoi crient-ils aussi fort?

    * P**** de voisins, je vais tuer ces sales mioches!

    *Comment faire durer un chapitre jusqu'à la fin d'année?

    * P***** d'élèves, le nombres de bêêêêtises qu'ils peuvent dire/ faire!!!

    *Est-ce que je préfère repasser ou corriger des copies?

    Je vous rassure, je vais très bien, c'est juste la fin d'année et ce temps un peu pourri. Sur ce, je vous laisse réfléchir à ça ( mais comment fait-on à 30/40/50/60...100 ans).

    Un quart de siècle!!!

     

     

    Pin It

    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires